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Plus d'architecture pour plus d'humanité

Durantquelques milliards d'années la planète Terre n'a pu que se soumettreaux forces aveugles de l'univers. Comme à tous les objets réalisésdepuis l'hypothétique Bigbang, le jeu de ces forces entrelacées lui ontdonné les caractéristiques que nous lui connaissons aujourd'hui.Certaines lui sont, nous semble-t-il, spécifiques ; ainsi la présencede l'eau liquide qui a permis une prolifération de processus aléatoiresaux aboutissements innombrables, comme si la nature avait attribué ànotre planète le rôle de laboratoire de recherche, de pôle d'innovation.

Il se trouve que ces cheminements créateurs sont depuis peu(quelques milliers de siècles, ce qui est bien court pour un objetcéleste), dans une phase d'accélération. Ils ont produit des êtresmanifestant des performances jusque là inconnues : ils sont capablesnon seulement d'exister mais de se savoir exister, non seulement de sesouvenir du passé mais d'imaginer l'avenir et de mettre le présent àson service, les humains.

Ils n'en sont pas encore suffisamment conscients, mais ils sont lesauteurs, localement, d'un retournement de la trajectoire de cetteespèce, la nôtre. Au lieu de subir le sort que lui réserve la nature,elle devient peu à peu l'auteur de sa propre histoire. Jusqu'à présentles activités des humains se sont surtout préoccupées des besoinsimmédiats : il leur faut désormais se consacrer à définir l'avenir, àdessiner des objets non encore entrés dans le réel. N'est-ce pas lerôle de l'architecte ?

Albert Jacquard - Écrivain et Professeur d'humanistica selon Mario Botta